Médiation : comment discuter (négocier) avec des personnes difficiles ?

Dans un conflit, on est aussi une personne difficile pour l’autre. Puisque l’on n’est pas du même avis. Mais tout est une question de dose. Quels sont les indices qui permettent d’identifier que vous êtes en face d’une « personne difficile » ? Comment peut-on discuter avec quelqu’un comme cela ? Comment peut-on même imaginer de négocier quelque chose avec une telle personne ?

Parfois, malgré toute notre bonne volonté, nous sommes pris dans un conflit avec l’impression que tout est de la faute de l’autre. Que nous n’avons jamais rencontré quelqu’un d’aussi désagréable : manipulateur.trice, tétu.e, arrogant.e, qui cherche la bagarre, qui cherche à écraser les autres, qui veut toujours avoir raison…et, cerise sur le gâteau, qui n’écoute et qui n’entend rien. Sans oublier la qualification suprême, la palme d’or : « c’est un.e pervers.e narcissique ».

Comment peut-on discuter avec quelqu’un comme cela ? Comment peut-on même imaginer de négocier quelque chose avec une telle personne ? Je vais essayer de vous donner quelques pistes, même si parfois, la meilleure stratégie consiste à laisser tomber (spoiler !).

 

Première étape : identifier à qui vous avez à faire

 

Dans un conflit, on est aussi une personne difficile pour l’autre. Puisque l’on n’est pas du même avis. Mais tout est une question de dose. Quels sont les indices qui permettent d’identifier que vous êtes en face d’une « personne difficile » ?

 

-       Aucune coopération n’est possible. Il n’y a jamais aucun sujet sur lequel le conflit diminue. La porte est complètement fermée. Vous avez tous les torts. Point. Et c’est parfois très argumenté, au nom d’une vérité intangible soutenue par une autorité intouchable.

-       Cette personne manifeste clairement qu’elle ne vous donnera pas ce que vous lui demandez. C’est un vrai refus, total, sans aucune nuance ni réserve. Point.

-       Vous estimez que les propositions de cette personne sont insultantes pour vous.

-       Il y a un décalage important entre votre état émotionnel et l’état rationnel apparent de la personne avec laquelle vous tentez de discuter.

-       Cette personne est totalement imprévisible.

-       Il se peut que cette personne soit violente : qu’il ou elle crie, qu’il ou elle essaie de vous forcer à faire quelque chose, voir, on ne vous le souhaite pas, s’en prenne à vous physiquement.

-       Vous en arrivez à vous demander si vos pensées, vos demandes, vos arguments sont fondés ou pas. Vous doutez de votre propre raison. Cela vous plonge dans la rage ou la tristesse.

 

Chacune de ces sept propositions est un « avertissement », une zone d’alerte qui vous permet probablement de dire que vous êtes face à une personne difficile. Mais tout n’est pas perdu. Il existe quelques pistes pour tenter de discuter, voir, de négocier.

 

Deuxième étape : adapter votre approche, discuter en vous accrochant très précisément à vos « points de prise ».

 

Avec une « personne difficile », commencez par diminuer l’intensité de votre état émotionnel et considérez que vous allez escalader une falaise. Il va vous falloir suivre une voie bien précise et rester concentré.e. Une respiration calme et un ton de voix calme diminuera mécaniquement l’excitation (intellectuelle ou physique) de l’autre. Il ou elle aura moins peur, ou sera moins en colère face à quelqu’un qui a lui-même calmé sa peur et sa colère. C’est un effet miroir (bien connu). (Alors que la phrase « calmez-vous » les rendra encore plus agressif puisque c’est une demande, une emprise sur leur débordement, une limite insupportable).

 

-       Il vous faut d’abord l’écouter. L’écouter activement, sans reformuler (Cela ne sert à rien. Il ou elle ne s’entend pas). Écoutez-le ou écoutez-la jusqu’à ce qu’il ou elle ait terminé. Vous n’imaginez pas l’effet que cette séquence aura sur vous.

 

-       Si vous arrivez à en placer une, donnez-lui de l’importance. Accentuez tout ce que vous pouvez pour lui donner l’impression que c’est lui ou que c’est elle qui est important. N’oubliez jamais qu’une personne difficile est quelqu’un qui au fond a une très mauvaise image de soi-même (c’est scientifique). Vous pouvez ici vous risquer à la « reformulation » ( de ses propos) si vous pensez que cela nourrit son impression que vous le ou la comprenez.

 

-       En cas de mauvaise foi avérée, d’affirmations choquantes, voir absurdes, revenez à une sorte d’introspection, de question : « Comment cette demande (que vous faites) peut-être reçue ? » (question que vous posez à la personne difficile). « Quel impact cette affirmation peut-elle avoir sur cette médiation- ou sur cette négociation ? ». « Dites m’en un peu plus : qu’en pensez-vous, au fond de vous ? ». Ceci est une tentative pour aller chercher ce qu’il peut y avoir de positif, de « raisonné », dans cette personne-difficile.

 

-       Ce que je pratique personnellement, aussi, c’est de formuler une proposition aussi absurde. Je dis absolument n’importe quoi. Et tout le monde se retrouve enfermé dans la même bulle. Plus personne ne contrôle rien. La personne difficile peut alors parfois perdre pied.

 

-       Enfin, si rien ne fonctionne, il faut accepter de laisser tomber, de s’arrêter. Accepter qu’aucune discussion n’est possible. Que vous avez essayé, mais qu’il n’y aura aucun accord, pour l’instant. Et peut-être, sortir d’un tête à tête et vous adjoindre d’autres personnes pour reprendre la discussion plus tard. En évitant à tous prix de lui faire perdre la face. Il faut lui laisser l’impression qu’il a gagné toutes les victoires car dans le cas contraire, il est fort probable que la revanche se jouera très prochainement.

 

 

Quoiqu’il arrive pendant cette discussion, si vous arrivez à rester calme et à garder fermement vos positions, essayez toujours de comprendre son point de vue (ce n’est pas facile, je sais !). Vous arriverez peut-être à préparer pour la prochaine discussion des points sur lesquels vous pourrez répondre positivement …et une solution à laquelle il pourra difficilement dire non. En revanche, je crois qu’il est naïf d’attendre d’eux du respect et la reconnaissance de vos valeurs. Vous les trouverez ailleurs….auprès d’autres personnes, moins difficiles.

 

 

 

 

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Thérapie de couple, therapie de couple Isabelle Jordan Thérapie de couple, therapie de couple Isabelle Jordan

Est-ce que je vis avec un ou une pervers narcissique ? Comment les reconnaître?

Ce qualificatif (« pervers narcissique ») est tellement fréquent, que l’on peut se demander si il est juste, s’il n’est pas la justification expéditive des conflits et des ruptures. On entend aussi l’autre être traité de « personnalité toxique ».

C’est une question que j’entends au moins une fois par semaine. Parfois, ce n’est plus une question, mais une affirmation. Ce qualificatif (« pervers narcissique ») est tellement fréquent, que l’on peut se demander si il est juste, s’il n’est pas la justification expéditive des conflits et des ruptures. On entend aussi l’autre être traité de « personnalité toxique ». De nombreux livres ont été publiés sur le sujet. Ils donnent une définition assez précise des contours psychologiques et comportementaux de ces personnes. Je ne suis pas psychiatre, et vous ne l’êtes sans doute pas non plus. Je ne me sens donc pas du tout habilitée à déterminer si telle ou telle personne est ou non un ou une « pervers narcissique ». Sans oublier, qu’il y a beaucoup d’autres maladies psychiatriques susceptibles de causer des comportements proches. Par prudence, je parlerai donc ici de personne « émotionnellement instable ». Mais je sais aussi à quel point il est douloureux de vivre avec ce type de personnalité. Je vous propose donc de vous arrêter sur les signaux d’alerte. Les signes qui peuvent laisser supposer que vous êtes en danger. Ou qu’il est inutile de vous épuiser à tenter d’améliorer une situation qui ne dépend plus de vous, depuis longtemps. Et qu’il faut vous faire aider.

 

L’un des ouvrages les plus intéressants sur le sujet est celui de Joe Navarro sur les Personnalités toxiques (*). Joe Navarro est un ancien profiler du FBI.

Pour son livre, il a d’abord interrogé des « victimes » ayant réellement vécu avec des personnalités dangereuses. Voici tous les mots qu’il a listés (dans son chapitre 2) pour les qualifier :

 

« fâché (énervé), amer, chaotique, collant, se plaignant( râleur-râleuse), confus, contrôlant, critique, cruel, dangereux, trompeur, délirant, déshumanisant, exigeant, dégradant, dénigrant, déroutant, désespéré, destructeur, dépressif, déconnecté, désorganisé, inquiétant, épuisant, faisant des drames, dysfonctionnel, émotif, envieux, imprévisible, exaspérant, explosif, suscitant la peur, effrayant, frustré, frustrant, hystérique, déséquilibré, impossible, impulsif, inapproprié (en décalage avec la situation), incohérent, irrationnel, irritable, irritant, lunatique, malveillant, malin, masochiste, méchant, maussade, morbide, rempli de rage, rancunier, sarcastique, effrayant, en ébullition, étouffant, suicidaire, capricieux, tempétueux, tendu, menaçant, fatiguant, tourmenté, tornade, naufrage, orageux, turbulent, indifférent, rancunnier, impitoyable, malheureux, dérangé, déraisonnable, peu fiable, instable, méfiant, triste, vengeur, vindicatif, violent, instable, remonté. »

 

Joe Navarro précise qu’il ne s’agit pas d’attraper un ou deux termes de cette liste pour « condamner » un individu. Chacun peut un jour être de mauvaise humeur. En revanche, dans la mesure où c’est bien de cette façon qu’ils ont été décrits par leurs « victimes », si votre conjoint-e présente constamment ces formes de comportements, alors oui, vous vivez probablement avec quelqu’un qui a besoin d’aide. Et vous, vous vivez sans aucun doute un enfer.

 

Son instabilité, par exemple, vous entraîne dans une vigilance permanente : quand vous rentrez chez vous le soir, après une journée de travail, vous pouvez passer en une minute d’une situation agréable et affectueuse à une éruption d’injures et de reproches, sans que vous ne compreniez ce qui a été la cause de ce changement brutal. Vous ne pouvez jamais vous détendre. Vous « marchez sur des œufs » tout le temps, juste pour « survivre ». Pire, vous faites tout votre possible pour faire plaisir à l’autre, dans le but d’échapper à ces épisodes ou d’améliorer la situation. Et cela ne fonctionne jamais. Ce n’est jamais assez bien, jamais. Pour l’autre, c’est vous le problème, pas lui.

 

Pourquoi avez-vous été attiré-e par ce personnage ? Pourquoi êtes-vous encore si attaché-e ? Pourquoi restez-vous dans cette situation ? Vous avez sans doute été touché-e par sa vulnérabilité, vous avez peut-être pensé qu’avec toute votre bienveillance, il ou elle allait pouvoir changer. Vous avez généreusement cru que vous pourriez « réparer » quelque chose. Malheureusement, seuls des professionnels formés pour traiter ces cas peuvent éventuellement interagir avec eux. Vous sortirez peut-être traumatisé-e, abîmé-e, de cette relation et il est donc indispensable que vous alliez, vous, chercher une aide psychologique pour vous réparer!

Et si vous êtes victime de violence, appelez le 3919 pour qu’ils vous aident à trouver un abri.

 

Si vous avez un doute, Joe Navarro a aussi listé les 20 « signes » suivants (*). Des comportements et des situations qui, mis bout-à-bout, dessinent un quotidien dont vous n’êtes absolument pas responsable. Et qui vous fait terriblement souffrir.

 

1.    Explose dans des colères noires sans proportion avec les circonstances ou les évènements.

2.    Depuis que vous êtes en couple, vous êtes moins heureuse (heureux), moins sûr de vous et plus inquiet-e.

3.    La meilleure description de votre relation est que ce sont des montagnes russes.

4.    Votre conjoint ne se rend absolument pas compte des conséquences de ses paroles ou de son comportement, que ce soit auprès de ses proches, de sa famille, ou de gens plus éloignés.

5.    Il (ou elle) a parfois des comportements complètement décalés par rapport au contexte social : il (ou elle) va faire un scandale dans un lieu public, ou il va parler de façon familière à quelqu’un qu’il (ou elle) ne connait pas, par exemple.

6.    Il peut s’effondrer, ou se mettre en colère, pour un rien, si un stress minuscule se présente. (On ne compte plus les épisodes observés lorsqu’il ou elle conduit).

7.    Une dispute, une discussion peut durer des heures, ou même des jours, alors qu’elle aurait du s’arrêter au bout de quelques minutes.

8.    Il (ou elle) saisit la moindre occasion pour se déchaîner ou s’en prendre à quelqu’un.

9.    Il (ou elle) se retrouve fréquemment entraîné dans des conflits, des disputes ou même des bagarres physiques.

10. Il (ou elle) n’a aucune barrière et est tout le temps en train de discuter, d’argumenter ou de crier sur les gens, y compris des gens qu’il (ou elle) ne connait pas. Il peut même se disputer avec son médecin.

11.Vous n’êtes jamais détendu-e, sans défense, relax, en présence de cette personne.

12. Les plus proches (vous, ses enfants, sa famille, ses amis) sont tout le temps en train de vérifier « comment ça va » ? De « prendre la température ».

13.Les autres le ou la décrivent comme lunatique, imprévisible et il (ou elle) est connu-e comme capable de briser des objets ou d’en lancer, même quand ce ne sont pas les siens.

14.Vous dit régulièrement qu’il vous pardonne. Mais il (ou elle) ne pardonne jamais et vous « ressert » ses reproches à la moindre dispute, même longtemps après.

15. Est irritable et a un seuil de frustration très bas. Autrement dit : ne supporte pas le « non ». Il faut toujours lui dire « oui ou d’accord ».

16. Est incapable d’empathie, de s’occuper des autres, ou d’affection. Mais il (ou elle) en demande sans arrêt.

17.Vous évitez de lui parler ou de faire certaines choses, de peur de ses réactions. Vous avez peur qu’il (ou elle) vous fasse souffrir.

18.Vous vous sentez piége-é.

19. Cherche à humilier les autres pour les « punir » ou pour se sentir supérieur.

20. Quand il (ou elle) se déchaîne, c’est au-delà de la colère, c’est de la rage. Et parfois, cela fait peur.

 

Pardon pour ce tableau épouvantable. Encore une fois, nous ne sommes pas en train de parler d’épisodes isolés ou ponctuels, qui peuvent arriver à n’importe qui. Si vous reconnaissez dans cette liste plus d’une dizaine d’exemples que vous vivez à répétition, alors oui, vous cohabitez sans doute avec une personne « émotionnellement instable ». Vous avez tous les deux besoin de l’aide de très bons professionnels. Dans votre cas, c’est une question de survie. Vous n’avez aucune obligation à rester dans un rôle de victime qui ne peut que s’aggraver.

 

Et pour ceux qui ont la chance de réaliser ici que leur quotidien est loin de ces descriptions, vous comprendrez pourquoi il est délicat de généraliser ce mot « valise » de « pervers narcissique ». Par respect pour les victimes de ceux ou de celles qui le sont vraiment.

 

 

(*) Dangerous Personalities, Joe Navarro :  « Un ancien Profiler du FBI vous explique comment identifier et comment vous protéger des personnalités dangereuses », Editions Rodale. En anglais. Non traduit.

 

Numéro d’urgence 3919, pour les femmes victimes de violence (et pour leurs enfants, bien sûr).

 

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