Médiation (Couples ou Familles) : comment notre récit nous enferme et nous empêche de sortir d’un conflit ?
Si l’on reste fixé.e sur son récit, la médiation n’est pas possible. Si l’on ne peut pas entendre que l’histoire ne s’est pas tout à fait passée comme cela, on reste « coincé.e » dans cette vision et cette représentation, sans jamais rejoindre celle de l’autre. Et le conflit perdure. Tout est alors bloqué par le récit.
Le récit, c’est l’histoire que nous nous racontons et que nous racontons à nos proches. Mais ce récit est-il bien le reflet de ce qui nous arrive ? Et si nous nous trompions ? Et si la réalité était (très) différente de ce récit ? Ce récit fait alors écran entre nous et cette « réalité ». Il nous enferme et nous empêche de sortir des rôles que ce récit a dessinés. Empêchant toute sortie du conflit. Comment faire avec ce récit ? Mon récit, le récit de l’autre, et tout ce que nous avons envie de nous raconter pour justifier que nous avons bien « raison ». Comment le processus de médiation peut (ou non) nous permettre de dépasser ces récits pour sortir d’un conflit?
Le récit enferme mais il soutient notre identité
Le récit fige notre histoire. Il répète indéfiniment le même point de vue. Le récit, comme notre mémoire, sont essentiels car c’est avec eux que nous définissons notre identité. Souvenez-vous des films dans lesquels les héros sont amnésiques. Ils perdent leur identité. Ils ne savent plus qui ils sont.
Modifier notre récit peut nous ouvrir à la compréhension de l’autre
Au contraire, regarder ce qui s’est passé, enquêter, interroger, écouter, être traversé par la parole de l’autre, déplace le regard.
Comment cela a commencé, quels ont été les moments importants, les glissements, les ruptures, les drames, les accidents, les joies, les victoires, les célébrations ? Avons-nous retenu les mêmes moments dans le déroulé de notre histoire ? Car l’histoire est toujours différente selon le personnage qui la raconte, alors même que l’évènement raconté a été vécu par les mêmes personnes. Le Quator d’Alexandrie, le roman de Lawrence Durell, raconte la même histoire, du point de vue de quatre personnages différents. Et ce n’est clairement pas le même récit.
La médiation cherche à déplacer les points de vue
La médiation permet précisément les déplacements de point de vue. L’idée est de se mettre « un peu », ou plus intensivement, « à la place de l’autre ». Ce qui change nécessairement le récit. L’histoire bouge et nous pouvons reprendre notre place, nos responsabilités.
Si l’on reste fixé.e sur son récit, la médiation n’est pas possible. Si l’on ne peut pas entendre que l’histoire ne s’est pas tout à fait passée comme cela, on reste « coincé.e » dans cette vision et cette représentation, sans jamais rejoindre celle de l’autre. Et le conflit perdure. Tout est alors bloqué par le récit.
Le récit est donc à la fois ce qui nous structure et nous permet de « tenir » debout. Et ce qui peut alimenter la violence de nos conflits. Violence contre l’autre. Mais aussi violence contre nous-mêmes car notre déni nous enferme et nous empêche la délivrance, la sortie du conflit. La médiation ne fait pas de miracle : le processus s’appuie sur chacun des acteurs du conflit, en essayant de créer du mouvement. Réactualiser nos récits est l’une des étapes les plus difficiles et les plus libératrices d’un processus de médiation.
Couples-Médiation : A quoi sert vraiment une médiation lors d’une séparation?
Une séparation, un divorce, nécessitent des prises de décisions rationnelles (concernant entre autres les enfants si l’on en a, l’argent, le patrimoine, etc). Mais une séparation s’accompagne aussi de perturbations émotionnelles parfois puissantes. On parle même de « pics de tension émotionnelle »
Une séparation, un divorce, nécessitent des prises de décisions rationnelles (concernant entre autres les enfants si l’on en a, l’argent, le patrimoine, etc). Mais une séparation s’accompagne aussi de perturbations émotionnelles parfois puissantes. On parle même de « pics de tension émotionnelle » lors de l’annonce de la séparation, lors de la séparation physique, quand l’autre conjoint s’installe avec quelqu’un d’autre, quand les enfants vivent des évènements importants (ils sont diplômés, ils se marient,…).
Si les conflits sont violents, on rumine, on est anxieux, et parfois, on est tellement sidéré.e que l’on n’arrive même plus à travailler.
Une médiation permet de traiter avec l’aide d’un tiers ces deux aspects : ce qui est rationnel et qui relève de solutions accessibles, que l’on va essayer de définir. Et ce qui est émotionnel et qui relève d’erreurs d’interprétations, ou d’un sentiment de ne pouvoir agir sur la situation, qui nous plongent alternativement dans la colère ou dans la tristesse.
Séparation : les décisions rationnelles
Les décisions rationnelles : en médiation, il ne s’agit pas de défendre ses intérêts (ce que fera très bien un avocat), mais de faire entendre à l’autre pourquoi on a telle ou telle demande, pourquoi on est tellement « accroché.e » à une solution plutôt qu’à une autre. Progressivement, on va pouvoir dessiner des modes d’organisation, des solutions financières, qui sont celles qui nous conviennent le mieux. Ce n’est pas de la négociation, c’est plus subtile. Avec l’aide du médiateur, vous arrivez à déplacer votre point de vue et même parfois, à vous mettre à la place de l’autre. Et ce n’est pas rien.
Séparation : les conséquences émotionnelles
Quant au processus émotionnel, il s’agit de respecter le fait que vous n’en êtes pas forcément au même stade. L’un.e a par exemple mûrement réfléchi, imaginé la séparation depuis des semaines ou des mois. Pendant que l’autre vient de recevoir la nouvelle et n’a parfois rien vu venir. Les états émotionnels de l’un et de l’autre sont différents. Il ne s’agit pas de faire « l’autopsie » du couple. Il s’agit de s’occuper de l’état émotionnel de chacun : comment gérer cette tristesse ? Comment vivre sans le soutien de l’autre ? Comment accepter que nos enfants prennent parti pour l’un.e, contre l’autre ? Peut-on regarder ce qui se passe pour nous sans accuser l’autre ?
Traiter des émotions revient à élaborer (pouvoir regarder, puis dessiner) la séparation émotionnelle, le processus psychique qui va permettre de s’éloigner de l’autre.
Reconstruire notre identité
Nous ne sommes plus les mêmes qu’avant notre rencontre. Nous nous sommes construits un nouveau « Moi » dans cette relation. Quelqu’en soit la durée, nous avons formulé des espérances, des rêves, des projets, des attentes, ensemble. Que nous avons perdus. Qui sommes-nous aujourd’hui, sans l’autre?
Il nous faut calmer nos peurs, notre douleur, notre colère, notre culpabilité, notre honte pour pouvoir nous regarder et redevenir « autonome ». Passer du « nous » au « je ».
Une séparation est traversée comme une perte, et, nous l’avons déjà dit (https://www.mediations-paris.fr/blog/divorce-separation-combien-de-temps-faut-il-pour-sen-remettre ), comme un deuil. Deuil d’autant plus difficile que cette perte résulte d’une décision et que l’autre n’est pas mort.
Il est malheureusement indispensable de regarder ces peurs, ces douleurs, cette colère, cette culpabilité et cette honte pour les adoucir. Vous avez peur de quoi ? Est-ce que cette peur résonne sur une peur beaucoup plus ancienne ? Si oui, laquelle ? Allez regarder.
Résultat
Quand le processus de médiation peut se réaliser, notre vision change. Notre monde intérieur, nos croyances ne pourront plus jamais être les mêmes. Notre rapport au monde non plus. …
A la fin du processus de médiation, si l’on arrive à s’accorder sur les conséquences de notre séparation, on y gagne :
- la fin de nos ruminations, et donc des journées plus paisibles et des nuits reposantes.
- de la sécurité car on peut enfin se projeter dans le futur avec des certitudes. On sait ce qui va se passer. Comment cela va se passer. On n’est plus dans l’attente d’un dénouement et de ses décisions corolaires.
- de la disponibilité car on n’est plus obsédé.e par notre conflit.
- de la liberté car on n’est plus dépendant.e de l’autre (le conflit alimente une sorte de dépendance à l’autre). C’est une légèreté nouvelle. Plus jamais on a le cœur qui s’accélère parce que l’on reçoit un mail, de l’autre (ou de votre avocat).
- de l’espace car progressivement, on pense un peu moins à l’autre.
La fin d’un conflit ouvre une période de re-pos et ce que l’on dit moins souvent, on retrouve aussi de la joie (oui de la joie !). C’est tout ce que l’on peut souhaiter.
Couple: Trois conseils pour les maris qui ne veulent pas se faire larguer par leur femme
En France, 75% des divorces sont demandés par les femmes. A première vue, cela signifierait que 75% des femmes sont malheureuses dans leur mariage ou leur couple. Alors Messieurs, que pourriez-vous faire pour éviter ces plaintes ? Voici quelques observations inspirées par les reproches souvent formulés par vos épouses.
En France, 75% des divorces sont demandés par les femmes. On observe quasiment les mêmes chiffres en Angleterre ou aux Etats-Unis. A première vue, cela signifierait que 75% des femmes sont malheureuses dans leur mariage. Alors Messieurs, que pourriez-vous faire pour éviter ces plaintes ? Voici quelques observations inspirées par les reproches souvent formulés par vos épouses. Nous vous prions de nous excuser par avance de la trivialité de ces observations.
Premier enseignement : les femmes disent qu’elles ne quittent pas leur mari à la suite d’une action « criminelle » précise mais après une accumulation de petits « délits » quotidiens et régulièrement répétés au sein du couple.
Jean-Paul Kauffmann a écrit un très bon ouvrage sur « les agacements », dans lequel il décrit ces phénomènes, qui énervent l’un tandis que l’autre ne comprend (même) pas le problème. Nous vous renvoyons à ce merveilleux livre si vous avez envie d’approfondir la question et ses multiples exemples ( voir notre précédent article sur ce livre: https://www.mediations-paris.fr/blog/quand-vous-vous-disputez-tout-le-temps-pour-des-details-des-agacements-sont-sans-doute-la-cause-de-vos-conflits-que-faire ). Ce que signifie cette notion de « petits délits », c’est cette impression répétée de ne pas être reconnue dans ses sentiments, ni dans l’expression de ces sentiments. Au lieu de vous justifier ou de rester indifférent aux demandes de votre épouse, le premier conseil consisterait à vous arrêter et à discuter ensemble du pourquoi:
- « Pourquoi t’énerves-tu parce que je bois une bière en regardant la télé quand je rentre du bureau ? » (un peu caricatural, pardon !).
- « Parce que moi aussi je rentre du boulot, parce que moi aussi je suis crevée, et que j’aimerais de l’aide. De l’aide pour vérifier les devoirs de nos enfants, donner les bains, raconter une histoire, préparer et ranger le dîner ».
De l’extérieur, cela a l’air presque mathématique. Et pourtant ? Et pourtant, certaines épouses partent faute d’avoir été entendues ou écoutées. Donc premier enseignement : écouter votre femme et surtout, entendez ses sentiments et ses émotions (épuisement, colère, frustration, manque de reconnaissance, injustice, etc).
Deuxième enseignement sur lequel nous avons presque honte de nous pencher : les tâches domestiques et les responsabilités du quotidien reposent majoritairement sur les femmes et il arrive un moment où quitter leur mari allègent leur « charge mentale ».
No comment. Vous voyez ce qu’il vous reste à faire, même si cela ne vous arrange pas.
Troisième enseignement pour les couples: certains maris mènent une vie parallèle, ont leur propres loisirs avec leurs copains et passent très peu de temps avec leur femme et leur famille.
Ce sujet est moins simple qu’il n’y paraît : il contient un paradoxe. Car les femmes évoquent aussi leur vision patriarcale du masculin. Elles rêvent d’un homme protecteur et d’une épaule solide sur laquelle se reposer, voir, d’un homme qui leur assure (encore !) une position sociale sécurisante et prospère. Elles sont encore majoritaires, même quand elles sont cadres et gagnent bien leur vie, à laisser leur mari gérer l’argent de la famille et remplir la déclaration d’impôts du foyer. Certains hommes sont donc tiraillés entre l’envie de bien faire (s’intéresser à la vie de leur femme, être attentionné, aidant, compatissant) et la nécessité de garder les attributs « franchement » masculins qu’ils revendiquaient avant de vivre en couple. D’où leur souhait de s’échapper pour des soirées foot (pardon !) ou des réunions d’anciens élèves. Nous entrons là dans une zone complexe du mariage. Un endroit dans lequel les demandes ne sont pas toujours cohérentes, explicites et où l’écoute des besoins des uns et des autres est particulièrement critique.
En résumé, si vous ne voulez pas être surpris par une « demande en divorce » que vous n’avez pas souhaitée, écoutez les signaux, car il y en a toujours. Rappelez-vous que chacun d’entre vous, y compris vos enfants, aspire à sa part de bonheur et d’accomplissement personnel. Que ce qui était vrai et attendu de vous il y a un an, six mois, une semaine, évolue chaque jour et peut être remis en question à tout moment. Car la principale caractéristique des unions modernes est qu’elles ne dépendent que des membres du couple et ne bénéficient d’aucun autre soutien que de celui que ces deux adultes veulent bien s’offrir et offrir à leur projet commun. Avec sans doute, beaucoup d’humilité et de tolérance car aucun d’entre nous n’est parfait.
Quand vous vous disputez tout le temps pour des détails: des agacements sont sans doute la cause de vos conflits. Que faire ?
Les « pics émotionnels » déclenchés par les agacements peuvent être tellement violents qu’ils entrainent une « confusion des sentiments ». Kaufmann évoque des témoignages dans lesquels les agacés ne savent même plus s’ils ont envie de continuer à vivre l’un avec l’autre. Ils auraient sans doute intérêt à déposer leurs agacements devant un tiers pour faire le tri. Encore une fois, l’agacement est un symptôme et selon la façon dont il surgit, il révèle l’intensité de la maladie. L’agacement est-il ponctuel ou permanent ? Provoque-t-il de l’indignation ou de la fureur ? Une frustration fugace ou installée ? Comme le poison, tout est une question de dose.
Les agacements sont malheureusement des “Tue-l’-amour” que l’on découvre souvent quand on “s’installe” ensemble. Jean-Claude Kaufmann a écrit un formidable livre sur le sujet et plutôt que de le paraphraser, je vous propose de vous retranscrire ce qu’il en dit. En vous recommandant bien sûr la lecture de cet ouvrage si le sujet vous intéresse. Jean-Claude Kaufmann est un homme qui a de l’humour. Son livre sur les Agacements ressemble à une promesse de légèreté et d’amusements. Quoi de plus drôle en effet que d’aller regarder par le trou de la serrure pour voir comment s’en sortent les autres. Jean-Claude Kaufmann est un « spécialiste du quotidien et du couple ». On peut donc lui faire confiance. Après avoir traversé quelques chapitres, l’ambiance n’est pas si riante. On aborde les ombres de la colère, de la tristesse, des irritations, des indignations, des fureurs, des forces centrifuges qui éloignent les partenaires. Qui les transforment en adversaires. Je rêvais de comédie. Les Agacements sont un drame : « sous les rires gisent les vraies colères ».[1]
Les agacements des débuts ont un rôle positif de réglage
Jean-Claude Kaufmann n’est pas le premier à nous expliquer que les deux membres d’un couple sont au départ deux étrangers. Dans son livre, il reprend ce principe en faisant une distinction entre les agacements qui opèrent au début de l’histoire d’un couple et ceux qui le traversent plus tard. Pour lui, les agacements des débuts ont un rôle positif de réglage et de mise en route du « système » du couple : « Les premières années d’un couple sont rythmées par les agacements qui définissent la mise en place progressive du système ménager »[2]. Car le conflit déclenche des explications, des partages d’expérience, des mises au point qui entrainent une action. Les agacements ne sont ici rien de plus que l’irruption de deux « théories concurrentes » [3]. « Rien de plus normal que d’être agacé dans un couple, y compris quand les relations sont bonnes. Car l’agacement s’inscrit en son centre même, le fonctionnement conjugal reposant sur des associations de contraire qui produisent des dissonances ».[4]
On pourrait donc croire que rien de tout cela n’est grave. Jean-Claude Kaufmann introduit doucement son sujet : pour lui, les agacements résultent d’une dissonance. Dissonance entre soi et soi, parfois. Quand la réalité est différente de ce que l’on voudrait qu’elle soit. Et plus souvent, dissonance entre soi et l’autre. Car un couple, ce sont deux histoires, deux empreintes familiales, deux « éthiques », deux visions, deux systèmes de croyances qui doivent s’accorder. Et les « évènements minuscules » qui déclenchent les agacements sont révélateurs des « enjeux relationnels ». Autrement dit, ils sont le signe de nos résistances. L’autre est un « étranger ». Une part de nous s’efface et s’adapte pour laisser une chance au couple. Une autre renonce à disparaître. L’agacement s’inscrit donc au cœur de la définition de l’identité, voire, de l’intégrité.
Il est très intéressant de découvrir que les agacements sont modernes. Dans un système traditionnel, les rôles de chacun étant parfaitement définis (la position hiérarchique des hommes et des femmes, par exemple), les « réglages » sont prédéfinis. Dans le couple moderne, dans lequel s’unissent deux individus qui revendiquent l’égalité, ou tout au moins, l’équité, il faut inventer le quotidien. En théorie, tout est possible et rien n’est interdit. Les agacements sont donc générateurs de décisions, de changements et parfois, ils se résolvent en installant une répartition complémentaire des sujets, recréant deux zones bien délimitées qui ne se mélangent pas. Ainsi, comme le montre Kaufmann, l’organisé du couple prendra en charge l’organisation des week-ends et des vacances. Ou encore, le conducteur habile ( autoproclamé) prendra systématiquement le volant lors des déplacements. « L’agacement (…) est avec la fatigue mentale l’un des prix à payer de la liberté individuelle, prix dont nous découvrons l’ampleur aujourd’hui ».[5]
Ce qui se cache dans les agacements
L’intérêt du livre est de révéler tout ce qui se cache dans les agacements. De montrer qu’il ne faut pas s’arrêter au geste théâtral de la colère ou des bouderies. Qu’il s’agit bien de concilier deux visions du monde, deux humus familiaux, deux systèmes culturels, des rythmes, des attachements, des références qui par essence divergent et qu’il faut faire cohabiter puisque l’on a décidé de vivre ensemble. C’est là le principal enseignement du livre. L’agacement est universel. Il touche tout le monde et contrairement aux apparences, il relève du « soi », du « je », et non du « nous ». Les agacements nous offrent une occasion de travailler sur nos représentations. Ce qui est bien au cœur du processus de la fabrication du couple.
On peut se laisser déborder par la frustration et la colère. Mais on peut aussi s’arrêter pour tenter de démêler ce qui peut l’être : une femme qui a tout le temps froid ( dans la chambre commune ou dans la voiture) a peut-être une système circulatoire différent et des raisons biologiques d’avoir froid. Un homme « radin » a peut-être peur de l’avenir. Ou encore, a reçu une éducation qui l’oblige à se projeter dans des projets long terme et à penser « patrimoine » alors que son conjoint ignore même la signification du concept. Quelle est la part de l’héritage de chacun dans son rapport à l’autre ? L’héritage n’étant pas ici compris comme des valeurs matérielles mais comme les valeurs tout court, que chacun transporte. Un homme (ou une femme) absents a peut-être du mal à régler sa distance par rapport à l’autre. Il ou elle a peut-être des peurs liées à des histoires d’amour anciennes qui l’empêchent de fusionner dans son nouveau couple. Kaufmann nous incite à aller chercher ce qui est sous la surface. A dépasser le « pic émotionnel ». On peut espérer que si l’agacé donne un sens au geste qui l’agace, il sera moins touché. Et qu’il sera au moins déchargé du doute qui l’assaille quand le sujet d’agacement se répète à l’infini : « il (ou elle) le fait exprès » ? « Pour me provoquer » ?
L’agacement joue son rôle « défoulatoire »
Kaufmann souligne ce que les agacements révèlent du fonctionnement de la famille. Il décrit ainsi comment les agacements sont résolus ( il utilise une métaphore poétique « d’évaporation », par exemple). Car si le couple sort victorieusement de l’agacement, il en ressort a priori renforcé. L’agacement joue son rôle « défoulatoire » et libère l’agacé de ce qu’il n’arrive pas à refouler. Si en revanche, les agacements conduisent à une accumulation de frustrations, de reproches et de désirs de vengeance, on parle de « tue-l’-amour » et il faut alors « la magie de l’amour » pour les dépasser. A moins que l’un des protagonistes ait tout simplement déjà fui, ce qui est une méthode d’évitement parmi d’autres.
Les « pics émotionnels » déclenchés par les agacements peuvent être tellement violents qu’ils entrainent une « confusion des sentiments ». Kaufmann évoque des témoignages dans lesquels les agacés ne savent même plus s’ils ont envie de continuer à vivre l’un avec l’autre. Ils auraient sans doute intérêt à déposer leurs agacements devant un tiers pour faire le tri. Encore une fois, l’agacement est un symptôme et selon la façon dont il surgit, il révèle l’intensité de la maladie. L’agacement est-il ponctuel ou permanent ? Provoque-t-il de l’indignation ou de la fureur ? Une frustration fugace ou installée ? Comme le poison, tout est une question de dose.
Ce livre est loin d’être une pièce de théâtre comique. Même si Kaufmann essaie dans sa dernière partie de montrer quelles sont les portes de sorties, les agacements sont effectivement les armes de la « guerre des couples » évoquée dans le sous-titre du livre. C’est assez terrifiant. Et donne une vision pessimiste de la conjugalité. A l’inverse, cela présage d’un travail en profondeur qui pourrait s’établir lors d’une médiation familiale, en aidant les couples à comprendre ce qui est réellement en jeu lorsqu’ils réagissent aux micro évènements qui les dérangent. De regarder les « enjeux » relationnels soulevés au lieu de s’arrêter à l’émotion provoquée. Avec le risque que la simple évocation d’un agacement ne réactive le contexte batailleur des protagonistes lors de leurs tentatives de réconciliation. Car au fonds, la question reste toujours de comprendre comment a pu s’unir ce qui n’était au départ qu’une somme de différences. Kaufmann parle de « pulsions amoureuses » et souligne que « la fabrication du conjugal est d’une étonnante complexité »[6].
https://livre.fnac.com/a1914624/Jean-Claude-Kaufmann-Agacements-les-petites-guerres-du-couple
[1] Page 401 dans la version électronique /1137 pages
[2] Page 88 de la version électronique /1137 pages
[3] Page 155 de la version électronique/1137 pages
[4] Pages 387 de la version électronique/1137 page
[5] Page 949 de la version électronique /1137
[6] Page 230 de la version électronique/1137
Les signes que vous traversez une vraie « Crise de Couple »
Selon Gottman, quatre comportements sont fatals pour une relation. Il les appelle les « Quatre cavaliers de l’Apocalypse ». On ne peut pas être plus clair. Gottman dit qu’en cinq minutes d’observation il peut prédire un divorce.
John M. Gottman est l’auteur du livre Les couples heureux ont leurs secrets (aux Éditions Pocket). C’est un psychologue qui travaille depuis 1972 sur les couples. Son livre est passionnant.
Dans ce livre, et à travers toutes les études qu’il cite (américaines, bien sûr), il indique par exemple que « dans 80% des cas, les divorcés estiment que leur mariage a échoué parce que leur partenaire, en s’éloignant progressivement d’eux, a détruit leur complicité. Ou encore, parce qu’ils ne se sentaient plus aimés ni appréciés. Seuls 20 à 27% des couples citaient l’infidélité comme une cause même partielle de divorce ».
Gottman dit qu’en cinq minutes d’observation il peut prédire un divorce. Ce chapitre (c’est au début du livre) nous a bien entendu interpellé. Voici ce qu’il décrit.
Selon Gottman, quatre comportements sont fatals pour une relation. Il les appelle les « Quatre cavaliers de l’Apocalypse ». On ne peut pas être plus clair.
Premier Cavalier : la critique
On ne parle pas ici d’un reproche ponctuel, sur un fait précis et circonscrit. On parle d’une critique énoncée sur la personnalité de l’autre, une critique qui généralise. Par exemple :
- « Tu m’as laissé la voiture avec un réservoir vide. On a été en retard à l’école » , qui est un reproche et témoigne d’une certaine tristesse ou d’une certaine colère, selon le ton utilisé (reproche).
Et –« C’est incroyable. Tu le fais exprès ! Tu ne peux jamais faire le plein de cette voiture. C’est toujours moi qui m’y colle. Quand vas-tu une fois te bouger pour aller à la Station-Service. C’est quand même pas compliqué ! Ce n’est pas surhumain ce que je te demande ? ». (critique).
La critique constante conduit directement au
Deuxième Cavalier : le mépris
Quand la critique s’accompagne de sarcasmes, de ricanements, de cynisme, de moqueries, de paroles humiliantes, de gestes d’exaspération et/ou de dégoût, le conflit risque de s’aggraver.
Le mépris s’accompagne en général de ruminations et de sentiments très négatifs. Il rend difficile les tentatives de rapprochement.
Troisième Cavalier : l’attitude défensive
Gottman dit que ses études montre que l’approche consistant à essayer de se défendre face aux critiques ne sert à rien. Cela nourrit le conflit. Cela alimente les escalades verbales. Et en général, celui qui formule ses critiques reste sur ses positions.
Quatrième Cavalier : la dérobade
Malheureusement face aux critiques, au mépris et aux disputes, il est fréquent que l’un des deux membres du couple « laisse tomber », lâche l’affaire. Il se lève, abandonne la discussion et quitte la table ou la pièce. Il ou elle voyage de plus en plus, rentre de plus en plus tard de son travail. Il arrive même qu’il ou elle joue l’indifférence. Qu’il ne fasse même plus semblant d’écouter, même quand la conversation est relativement calme et neutre. Il ne peut plus faire face à tant de négativité et il se protège « passivement ». Certains (certaines) sont dans un tel état de choc, qu’ils se désinvestissent totalement de la relation. Pour ne plus souffrir. A ce stade, quand les autres cavaliers sont déjà passés, la séparation est généralement inéluctable. Et Gottman nous apprend que dans 80% des couples, c’est le mari qui se dérobe.
J’espère que cet article ne vous aura pas trop déprimé. Il a le mérite de montrer, une fois de plus, qu’il faut beaucoup de détermination, de courage, de capacité à écouter un point de vue différent, de supporter une façon de faire différente, pour être longtemps heureux en couple. Pour contrer dès qu’il se profile le premier Cavalier, la critique, et ne pas laisser les conflits évoluer dramatiquement vers des situations difficiles à corriger. C’est tout l’intérêt d’aller discuter avec un tiers et de chercher de l’aide à l’extérieur pour opérer quelques changements. Car Gottman parle aussi des secrets des couples qui durent….et des “sept lois de la réussite” de ces couples (qui durent). A suivre….(nous en reparlerons).
Médiation Familiale, Thérapie de Couple, quelle est la différence ? Comment les distinguer ?
La Médiation Familiale et la Thérapie de Couple sont des démarches très différentes, même si elles peuvent avoir quelques points communs.
La Médiation Familiale et la Thérapie de Couple sont des démarches très différentes, même si elles peuvent avoir quelques points communs.
La Médiation Familiale est une démarche qui vise à résoudre les conflits.
C’est une méthode qui a d’abord été introduite au Canada, avec des résultats spectaculaires. En séance de médiation, on est focalisé sur le présent et sur la recherche de solutions très concrètes : le médiateur est un tiers neutre qui n’a aucun parti pris, ni pour l’un, ni pour l’autre (on parle d’impartialité au sens où il ne défend aucune des parties, contrairement à un avocat, qui défend l’intérêt de son « client »). Le médiateur n’est pas là pour juger si une demande est plus légitime qu’une autre : le médiateur vous aide à trouver la meilleure solution pour VOUS et pour votre famille. La Médiation Familiale croit en votre compétence pour trouver la meilleure solution qui conviendra à votre vie future et à celle de vos enfants. Les discussions sont confidentielles. En médiation vous êtes donc en terrain neutre pour fixer ensemble les réponses à des questions qui provoquent des conflits entre vous, avec l’aide du médiateur, qui est formé pour conduire ces entretiens.
En thérapie, on va naviguer entre le passé, le présent et le futur.
En thérapie, on cherche à comprendre, on interroge les causalités
On décortique (un peu !) les systèmes de relation. Le but étant de provoquer un changement pour adoucir vos difficultés. Un changement qui résulte de votre compréhension de ce qui se passe dans votre couple ou dans votre famille. Là aussi, c’est parce que vous avez cette compétence à vous comprendre que vous allez trouver la solution à votre problème. Un thérapeute ou un coach (comme un médiateur familial) n’ont pas de pouvoirs magiques. C’est vous qui allez évoluer grâce à la compréhension de vos émotions, de vos réactions et de vos comportements. En présence d’un tiers et avec votre conjoint-e. Une thérapie de couple aide à reformuler auprès de l’autre et à entendre de l’autre quelles sont vos attentes, vos valeurs mais surtout, vos réactions émotionnelles (qu’est-ce qui vous touche et pourquoi cela vous touche autant) et vos ressentis. En général, on y trouve des solutions très simples à des problèmes qui avaient l’air compliqués. En toute sécurité car vous êtes accompagnés par un tiers formé pour accompagner vos discussions.
Il reste deux points communs à ces deux démarches : la médiation comme la thérapie impliquent de se retrouver ensemble dans un même lieu (sauf quand on est en visio, bien sûr), dans une relative intimité puisqu’il y a peu de personnes en présence. Et elles passent toutes les deux (la médiation et la thérapie), par la parole, par le langage. C’est le langage qui construit quelque chose de nouveau (idéalement, de la confiance). Dans tous les cas, vous êtes indépendants et libres : c’est vous qui trouvez vos solutions. Personne n’est là pour vous dire quoi penser et comment agir.
Divorcer: est-ce vraiment ce que nous voulons?
Divorcer: est-ce vraiment ce que nous voulons? Parfois nos paroles dépassent nos pensées. Sommes-nous certains d’avoir vraiment pris cette décision?
Pour certains, ce mot désigne le pire. Pour d’autres, ce n’est rien. Quoique l’on pense ou que l’on en dise, un divorce marque des changements radicaux.
Fiona Shackleton, avocate anglaise qui défendit à l’époque le Prince Charles lors de son divorce, dit que “le divorce est soit une torture lente, soit une torture rapide”. Mais elle emploie bien le mot de torture.
Alors avant de décider de divorcer, sommes-nous certains d’avoir tout tenté pour réparer ou consolider notre couple ? Quel est le prix du fait de pouvoir, ou de ne plus pouvoir, lire une histoire à ses enfants quand ils se couchent le soir ? Est-ce que nous avons bien mesuré ce à quoi nous sommes prêts à renoncer, en renonçant l’un à l’autre? “Est-ce que vous détestez votre conjoint plus que vous n’aimez vos enfants ? Nos enfants ne sont pas des enfants très longtemps. Vous les aimez vos enfants ? Alors essayez de jouer le long terme. Essayez d’améliorer votre relation avant de tout envoyer balader”. (Fiona Shackleton, toujours).
Un divorce, c’est comme un deuil. Peut-être même pire. Mais il ne faut pas désespérer….
Un divorce, c’est comme un deuil. Peut-être même pire. Mais il ne faut pas désespérer….
Un divorce peut nous plonger dans une tristesse infinie. Quand on le subit, bien sûr. Quand c’est l’autre qui nous annonce qu’il part, qu’il va partir ou qu’il est déjà parti. Mais pas seulement: celui qui prend la décision peut aussi être submergé par la tristesse ou par la culpabilité. La tristesse d’avoir échoué, de ne pas pouvoir rester en couple, de rompre une promesse. La culpabilité de faire souffrir l’autre, et surtout de faire subir à ses enfants une situation qu’il ou elle aurait tellement voulu leur éviter.
Je ne vais pas vous donner de solutions dans ces quelques lignes. Je vais vous raconter cette histoire merveilleuse, que j’ai lue dans le livre de Thomas d’Ansembourg (Cessez d’être gentil, soyez vrai, aux Editions de l’Homme). Une histoire qui montre que même dans la pire situation, il faut toujours s’accrocher à l’idée que quelque chose en ressortira. Quoi? Quand on traverse le désespoir et qu’on a l’impression que tout s’écroule, on ne sait pas encore quoi. Mais cela vaut vraiment la peine de prendre son temps et d’espérer que la suite nous offrira une autre vie, différente, que nous goûterons un jour dans la joie. Je vous laisse découvrir….
“Un pauvre chinois suscitait la jalousie des plus riches du pays parcequ’il possédait un cheval blanc extraordinaire. Chaque fois qu’on lui proposait une fortune pour l’animal, le vieillard répondait: “Ce cheval est beaucoup plus qu’un animal pour moi, c’est un ami, je ne peux pas le vendre”.
“Un jour, le cheval blanc disparut. Les voisins rassemblés devant l’étable vide donnèrent leur opinion: “Pauvre idiot, il était prévisible qu’on te le volerait". Pourquoi ne l’as-tu pas vendu? Quel malheur!”. Le paysan se montra plus circonspect: “N’exagérons rien, dit-il. Disons que le cheval ne se trouve plus dans l’étable. C’est un fait. Tout le reste n’est qu’une appréciation de votre part. Comment savoir si c’est un bonheur ou un malheur? Nous ne connaissons qu’un fragment de l’histoire. Qui sait ce qu’il adviendra?”.
Les gens se moquèrent du vieil homme. Ils le considéraient depuis longtemps comme un simple d’esprit. Quinze jours plus tard, le cheval blanc revint. Il n’avait pas été volé, il s’était tout simplement mis au vert et ramenait une douzaine de chevaux sauvages de son escapade. Les villageois s’attroupèrent de nouveau:
“Tu avais raison, ce n’était pas un malheur, mais une bénédiction.
- Je n’irai pas jusque là, fit le paysan. Contentons-nous de dire que le cheval blanc est revenu. Comment savoir si c’est une chance ou une malchance? Ce n’est qu’un épisode. Peut-on connaître le contenu d’un livre en ne lisant qu’une phrase?”.
Les villageois se dispersèrent convaincus que le vieil homme déraisonnait. Recevoir douze beaux chevaux était indubitablement un cadeau du ciel. Qui pouvait le nier? Le fils du paysan entreprit le dressage des chevaux sauvages. L’un d’eux le jeta à terre et le piétina. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis:
“Pauvre ami! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t’ont pas porté chance. Voici que ton fils unique est estropié. Qui donc t’aidera dans tes vieux jours? Tu es vraiment à plaindre.
“-Voyons, rétorqua le paysan, n’allez pas si vite. Mon fils a perdu l’usage de ses jambes, c’est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l’avenir.”
Quelques temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du village furent enrôlés dans l’armée, sauf l’invalide.
“Vieil homme, se lamentèrent les villageois, tu avais raison, ton fils ne peut plus marcher, mais il reste auprès de toi tandis que nos fils vont se faire tuer.”
-Je vous en prie, répondit le paysan, ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l’armée, le mien reste à la maison, c’est tout ce que nous puissions dire. Dieu seul sait si c’est un bien ou un mal”.
Lao Tseu