Couples, familles : pourquoi il est si difficile de préparer sa succession?
Parler de succession est souvent tabou car l’héritage est la conséquence de la mort de quelqu’un. Quand c’est celle de quelqu’un d’autre, cela va, et encore. Mais accepter de parler de sa propre mort ? Pour certains, cela fait beaucoup trop peur. Alors ils se cachent derrière des affirmations de principe. On n’en parle pas. Il n’y a pas de sujet. Il est interdit d’y penser.
Non, ce n’est pas la Série télévisée qui nous a inspirés. Et pourtant, si vous avez regardé les cinq saisons, vous avez, comme nous, pu observer combien il est difficile pour certains de préparer sa succession. Que ce soit pour un couple, entre ses deux membres, ou dans une famille, dans les transmissions inter-générationnelles, c’est parfois très compliqué. Pourquoi ?
Pour transmettre : il faut accepter l’idée de lâcher quelque chose
Il est parfois difficile de lâcher, de laisser partir.
Certains se sont battus pour monter une entreprise, ou la défendre s’ils en avaient eux-mêmes hérité. D’autres ont eu de la chance, ils ont rencontré les bonnes personnes au bon moment, ou ils ont des intuitions heureuses. Comment accepter de donner tout cela ? Même si l’on est très vieux, ce n’est parfois pas encore le moment. C’est trop tôt. Mais sera-t-on jamais prêt?
Il faut un peu de détachement, une dose de distance et accepter la notion bouddhiste de l’impermanence : « de toutes façons, cela ne peut pas durer, cela va évoluer, changer, et souvent, se terminer ».
Ou tout simplement, aimer l’autre au point de lui offrir tout ou partie de ce que nous avons. Avec ou sans limite.
Que ce soit pour son conjoint (dit survivant, ce qui est assez moche il faut bien le dire) ou pour ses enfants, le don généreux, ou l’idée du don, si c’est pour plus tard, demande courage et « lâcher-prise ». Mais quand nous donnons, nous leur laissons aussi une partie de nous-mêmes. Nous leur offrons une trace, une empreinte. Ne serait-ce que le don que nous leur avons fait. Personne n’a rien pris. C’est notre volonté seule qui aura défini l’héritage, si nous acceptons de le préparer.
Pour hériter, il faut que quelqu’un meurt
Mais la principale difficulté est ailleurs. Parler de succession est souvent tabou car l’héritage est la conséquence de la mort de quelqu’un. Quand c’est celle de quelqu’un d’autre, cela va, et encore. Mais accepter de parler de sa propre mort ? Pour certains, cela fait beaucoup trop peur.
Alors ils se cachent derrière des affirmations de principe. On n’en parle pas. Il n’y a pas de sujet. Il est interdit d’y penser. Celui qui ose risque d’être exclu.
Comme si ne pas évoquer ce qui se passera après notre mort garantissait notre immortalité.
Comme la série (Succession) en témoigne, et comme nous le montrent tous les jours les cas que nous entendons, nous ne sommes pas (encore) immortels. Nous ne saurions que conseiller à chacun d’entre nous de réfléchir et de préparer sa succession. Mieux c’est préparé, moins nos héritiers auront des raisons de se dresser les uns contre les autres. Notre plus beau cadeau, ce ne seront pas des maisons, des bijoux ou des petites cuillères (selon nos moyens), ce sera de leur permettre de rester des frères et sœurs, des demi, des quarts de frères et soeurs, qui arrivent à vivre ensemble. Sans parler des belles-mères, ou des beaux-pères, que l’on oublie si souvent quand il s’agit d’organiser une succession et qui se rappellent alors douloureusement. Rupert Murdoch a annoncé à 92 ans qu’il allait se remarier pour la cinquième fois. Il se dit que c’est sa famille qui a servi de modèle pour la série. Même si nous sommes beaucoup moins riches, je crois que nous n’avons pas vraiment envie de leur ressembler.