Isabelle Jordan Isabelle Jordan

Couple: thérapie, médiation , quel est le meilleur moment pour démarrer (une thérapie ou une médiation)?

Si vous vous demandez si vous pouvez encore sauver votre couple, il est urgent de consulter quelqu’un. Si vous allez bientôt vous engager, vous pouvez aussi aller faire une petite séance de « révision » et vérifier ensemble un certain nombre de points qui vous paraissent importants

Vous savez qu’une simple étincelle peut déclencher un incendie. Les feux de forêt sont malheureusement là pour nous le rappeler. Vous connaissez aussi, je l’espère, les numéros d’urgence à appeler en cas de danger. Quand Notre-Dame a brûlé le 15 avril 2019, la première personne qui a appelé les pompiers avait vu une simple fumée s’échapper du toit. Et vous ? Quand il y a de la fumée chez vous, quand vous traversez des disputes explosives avec votre conjoint, vous regardez la fumée et vous ne faites rien ? Ou vous vous dites qu’il faudrait appeler au secours ?

Quand doit-on prendre son téléphone pour appeler un thérapeute de couple, un coach de couple ou un médiateur familial ? Quel est le bon, ou le meilleur moment ? Comment savoir si vous pourrez vous débrouiller tous seuls et régler vos problèmes tranquillement sans aide extérieure ?

 

1.     Votre priorité : protéger votre relation, votre couple.

Le secret des couples qui durent est qu’ils repèrent les dangers, les zones glissantes. Ils les regardent, ils les affrontent ensemble, ils en font quelque chose. Posez-vous régulièrement la question. Comment allez-vous ?

Parmi les signes de virage dangereux, on peut citer :

-       Le mépris qui s’installe : les critiques et les plaintes sont continuelles (pas juste une fois! si cela arrive, c’est normal !). Et elles blessent.

-      Une posture défensive : symétrique du point précédent. Vous n’êtes jamais en pause, vous êtes dans une vigilance permanente et vous passez votre temps à vous justifier.

-       Vous traversez ensemble de grands changements, volontaires ou non : un déménagement, un changement de pays, la naissance d’un enfant, la recomposition de votre famille (un nouveau couple, avec des enfants d’une relation précédente), des conflits avec votre ou vos adolescents, ou vos parents sont malades et il vous faut vous en occuper, ou pire, vous vivez un choc tel qu’un accident, la perte de votre emploi, un deuil. Et cela bouleverse votre relation, au-delà de vos limites. Vous êtes dépassé-e par ces évènements.

-       Vous n’êtes plus connectés, vous n’avez plus d’intimité, ou plus de sexualité.

Si ces panneaux vous parlent, il est sans doute temps d’aller vous faire aider. Quand j’entends des couples me dire que « cela fait des années… », j’avoue que je suis un peu triste pour eux. Car parfois, en deux séances de discussion, on débloque de tels morceaux ! Le Dr Gottman, fondateur du Gottman Institute aux Etats-Unis, qui a observé plus de 3 500 couples sur plus de 45 ans, dit que les couples attendent en moyenne six ans avant de le consulter. Vous vous rendez-compte: six ans! 2 190 jours avant d’appeler les secours. Combien de cathédrales seraient déjà en cendres.

2.     Surtout, ne venez pas trop tard.

Il y a deux moments dans la vie d’un couple où l’on est un peu coupé de la réalité : au début et à la fin.

Au début, car on est noyé sous les projections et il est très difficile de s’arrêter pour regarder qui est vraiment l’autre. On est en plein rêve. L’autre a toutes les qualités que l’on souhaite qu’il ait. C’est magique. Et à la fin, car on est alors noyé dans la tristesse ou la colère et que l’on ne voit plus très bien l’autre non plus.

Entre les deux, si vous arriver à éteindre un départ de feu vous-mêmes, vous êtes en capacité de prendre soin de votre couple, de cultiver et de nourrir votre relation. Si en revanche, ces fumées (des conflits, des plaintes, des critiques, de l’indifférence) vous plongent dans la tristesse, le désespoir, une colère sans fin, si le mépris pointe son nez, il est urgent d’appeler les secours. N’attendez pas que cela s’installe car il arrive un moment où c’est malheureusement trop tard. Quel est le niveau de votre douleur ? Si vous êtes déjà un peu débordé-e par des émotions négatives, dépêchez-vous…

3.     Tout commence par « des problèmes de communication ». Mais en-dessous, il y a quoi ?

Tous les couples commencent par expliquer qu’ils ont des problèmes de communication. Malheureusement, c’est la partie visible de l’iceberg. On est bien obligés de plonger et d’aller voir ce qui est caché.

Appeler au secours et aller parler à un tiers, c’est aller chercher une forme de vérité sur votre relation. Cela vous permettra de distinguer les contours de vos croyances ( des croyances qui exigent, des croyances qui limitent, des croyances qui sont partagées, ou pas du tout), de vos peurs, de vos « dettes » respectives, et de voir comment elles vous empêchent d’être touché-e par l’autre ou de partager son intimité. Cela vous permettra de mesurer les écarts entre vos attentes, vos projections, et la réalité de ce que vous vivez ensemble. Bref, vous allez éclairer votre système de fonctionnement. Et en général, quelle découverte !

Conclusion, si vous vous demandez si vous pouvez encore sauver votre couple, il est urgent de consulter quelqu’un. Si vous allez bientôt vous engager, vous pouvez aussi aller faire une petite séance de « révision » et vérifier ensemble un certain nombre de points qui vous paraissent importants. Vous l’aurez compris, comme vous le faites pour vos dents (désolée !) ou d’autres parties de votre corps, votre couple mérite que vous vous en occupiez. Et ce n’est pas toujours simple de le faire ensemble, sans filtre et sans filet de sécurité. Donc le bon moment, c’est quand vous ressentez le besoin d’aller faire un peu de tri avec l’aide d’un tiers neutre.

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Médiation Familiale Isabelle Jordan Médiation Familiale Isabelle Jordan

Quand vous vous disputez tout le temps pour des détails: des agacements sont sans doute la cause de vos conflits. Que faire ?

Les « pics émotionnels » déclenchés par les agacements peuvent être tellement violents qu’ils entrainent une « confusion des sentiments ». Kaufmann évoque des témoignages dans lesquels les agacés ne savent même plus s’ils ont envie de continuer à vivre l’un avec l’autre. Ils auraient sans doute intérêt à déposer leurs agacements devant un tiers pour faire le tri. Encore une fois, l’agacement est un symptôme et selon la façon dont il surgit, il révèle l’intensité de la maladie. L’agacement est-il ponctuel ou permanent ? Provoque-t-il de l’indignation ou de la fureur ? Une frustration fugace ou installée ? Comme le poison, tout est une question de dose.

Les agacements sont malheureusement des “Tue-l’-amour” que l’on découvre souvent quand on “s’installe” ensemble. Jean-Claude Kaufmann a écrit un formidable livre sur le sujet et plutôt que de le paraphraser, je vous propose de vous retranscrire ce qu’il en dit. En vous recommandant bien sûr la lecture de cet ouvrage si le sujet vous intéresse. Jean-Claude Kaufmann est un homme qui a de l’humour. Son livre sur les Agacements ressemble à une promesse de légèreté et d’amusements. Quoi de plus drôle en effet que d’aller regarder par le trou de la serrure pour voir comment s’en sortent les autres. Jean-Claude Kaufmann est un « spécialiste du quotidien et du couple ». On peut donc lui faire confiance. Après avoir traversé quelques chapitres, l’ambiance n’est pas si riante. On aborde les ombres de la colère, de la tristesse, des irritations, des indignations, des fureurs, des forces centrifuges qui éloignent les partenaires. Qui les transforment en adversaires. Je rêvais de comédie. Les Agacements sont un drame : « sous les rires gisent les vraies colères ».[1]

Les agacements des débuts ont un rôle positif de réglage

Jean-Claude Kaufmann n’est pas le premier à nous expliquer que les deux membres d’un couple sont au départ deux étrangers. Dans son livre, il reprend ce principe en faisant une distinction entre les agacements qui opèrent au début de l’histoire d’un couple et ceux qui le traversent plus tard. Pour lui, les agacements des débuts ont un rôle positif de réglage et de mise en route du « système » du couple : « Les premières années d’un couple sont rythmées par les agacements qui définissent la mise en place progressive du système ménager »[2]. Car le conflit déclenche des explications, des partages d’expérience, des mises au point qui entrainent une action. Les agacements ne sont ici rien de plus que l’irruption de deux « théories  concurrentes » [3]. « Rien de plus normal que d’être agacé dans un couple, y compris quand les relations sont bonnes. Car l’agacement s’inscrit en son centre même, le fonctionnement conjugal reposant sur des associations de contraire qui produisent des dissonances ».[4]

 

On pourrait donc croire que rien de tout cela n’est grave. Jean-Claude Kaufmann introduit doucement son sujet : pour lui, les agacements résultent d’une dissonance. Dissonance entre soi et soi, parfois. Quand la réalité est différente de ce que l’on voudrait qu’elle soit. Et plus souvent, dissonance entre soi et l’autre. Car un couple, ce sont deux histoires, deux empreintes familiales, deux « éthiques », deux visions, deux systèmes de croyances qui doivent s’accorder. Et les « évènements minuscules » qui déclenchent les agacements sont révélateurs des « enjeux relationnels ». Autrement dit, ils sont le signe de nos résistances. L’autre est un « étranger ». Une part de nous s’efface et s’adapte pour laisser une chance au couple. Une autre renonce à disparaître. L’agacement s’inscrit donc au cœur de la définition de l’identité, voire, de l’intégrité.

 

Il est très intéressant de découvrir que les agacements sont modernes. Dans un système traditionnel, les rôles de chacun étant parfaitement définis (la position hiérarchique des hommes et des femmes, par exemple), les « réglages » sont prédéfinis. Dans le couple moderne, dans lequel s’unissent deux individus qui revendiquent l’égalité, ou tout au moins, l’équité, il faut inventer le quotidien. En théorie, tout est possible et rien n’est interdit. Les agacements sont donc générateurs de décisions, de changements et parfois, ils se résolvent en installant une répartition complémentaire des sujets, recréant deux zones bien délimitées qui ne se mélangent pas. Ainsi, comme le montre Kaufmann, l’organisé du couple prendra en charge l’organisation des week-ends et des vacances. Ou encore, le conducteur habile ( autoproclamé) prendra systématiquement le volant lors des déplacements. « L’agacement (…) est avec la fatigue mentale l’un des prix à payer de la liberté individuelle, prix dont nous découvrons l’ampleur aujourd’hui ».[5]

Ce qui se cache dans les agacements

L’intérêt du livre est de révéler tout ce qui se cache dans les agacements. De montrer qu’il ne faut pas s’arrêter au geste théâtral de la colère ou des bouderies. Qu’il s’agit bien de concilier deux visions du monde, deux humus familiaux, deux systèmes culturels, des rythmes, des attachements, des références qui par essence divergent et qu’il faut faire cohabiter puisque l’on a décidé de vivre ensemble. C’est là le principal enseignement du livre. L’agacement est universel. Il touche tout le monde et contrairement aux apparences, il relève du « soi », du « je », et non du « nous ». Les agacements nous offrent une occasion de travailler sur nos représentations. Ce qui est bien au cœur du processus de la fabrication du couple.

 

On peut se laisser déborder par la frustration et la colère. Mais on peut aussi s’arrêter pour tenter de démêler ce qui peut l’être : une femme qui a tout le temps froid ( dans la chambre commune ou dans la voiture) a peut-être une système circulatoire différent et des raisons biologiques d’avoir froid. Un homme « radin » a peut-être peur de l’avenir. Ou encore, a reçu une éducation qui l’oblige à se projeter dans des projets long terme et à penser « patrimoine » alors que son conjoint ignore même la signification du concept. Quelle est la part de l’héritage de chacun dans son rapport à l’autre ? L’héritage n’étant pas ici compris comme des valeurs matérielles mais comme les valeurs tout court, que chacun transporte. Un homme (ou une femme) absents a peut-être du mal à régler sa distance par rapport à l’autre. Il ou elle a peut-être des peurs liées à des histoires d’amour anciennes qui l’empêchent de fusionner dans son nouveau couple. Kaufmann nous incite à aller chercher ce qui est sous la surface. A dépasser le « pic émotionnel ». On peut espérer que si l’agacé donne un sens au geste qui l’agace, il sera moins touché. Et qu’il sera au moins déchargé du doute qui l’assaille quand le sujet d’agacement se répète à l’infini : « il (ou elle) le fait exprès » ? « Pour me provoquer » ? 

 

L’agacement joue son rôle « défoulatoire »

Kaufmann souligne ce que les agacements révèlent du fonctionnement de la famille. Il décrit ainsi comment les agacements sont résolus ( il utilise une métaphore poétique « d’évaporation », par exemple). Car si le couple sort victorieusement de l’agacement, il en ressort a priori renforcé. L’agacement joue son rôle « défoulatoire » et libère l’agacé de ce qu’il n’arrive pas à refouler. Si en revanche, les agacements conduisent à une accumulation de frustrations, de reproches et de désirs de vengeance, on parle de « tue-l’-amour » et il faut alors « la magie de l’amour » pour les dépasser. A moins que l’un des protagonistes ait tout simplement déjà fui, ce qui est une méthode d’évitement parmi d’autres. 

 

Les « pics émotionnels » déclenchés par les agacements peuvent être tellement violents qu’ils entrainent une « confusion des sentiments ». Kaufmann évoque des témoignages dans lesquels les agacés ne savent même plus s’ils ont envie de continuer à vivre l’un avec l’autre. Ils auraient sans doute intérêt à déposer leurs agacements devant un tiers pour faire le tri. Encore une fois, l’agacement est un symptôme et selon la façon dont il surgit, il révèle l’intensité de la maladie. L’agacement est-il ponctuel ou permanent ? Provoque-t-il de l’indignation ou de la fureur ? Une frustration fugace ou installée ? Comme le poison, tout est une question de dose.

 

Ce livre est loin d’être une pièce de théâtre comique. Même si Kaufmann essaie dans sa dernière partie de montrer quelles sont les portes de sorties, les agacements sont effectivement les armes de la « guerre  des couples » évoquée dans le sous-titre du livre. C’est assez terrifiant. Et donne une vision pessimiste de la conjugalité. A l’inverse, cela présage d’un travail en profondeur qui pourrait s’établir lors d’une médiation familiale, en aidant les couples à comprendre ce qui est réellement en jeu lorsqu’ils réagissent aux micro évènements qui les dérangent. De regarder les « enjeux »  relationnels soulevés au lieu de s’arrêter à l’émotion provoquée. Avec le risque que la simple évocation d’un agacement ne réactive le contexte batailleur des protagonistes lors de leurs tentatives de réconciliation. Car au fonds, la question reste toujours de comprendre comment a pu s’unir ce qui n’était au départ qu’une somme de  différences. Kaufmann parle de « pulsions amoureuses » et souligne que « la fabrication du conjugal est d’une étonnante complexité »[6]

 https://livre.fnac.com/a1914624/Jean-Claude-Kaufmann-Agacements-les-petites-guerres-du-couple

 

 



[1] Page 401 dans la version électronique /1137 pages

[2] Page 88 de la version électronique /1137 pages

[3] Page 155 de la version électronique/1137 pages

[4] Pages 387 de la version électronique/1137 page

[5] Page 949 de la version électronique /1137

[6] Page 230 de la version électronique/1137

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