Séparation: comment sortir de l’état de victime?
Dans une rupture il y a souvent un acteur, qui agit, qui parle, et l’autre, qui découvre, qui entend et qui a la sensation de subir. Parfois, le choc est tellement violent que celui qui reçoit la nouvelle de la rupture, ou de la trahison, parle de traumatisme. Il (ou elle) s’installe dans la position de la victime. Comment sortir de cette impression que c’est par l’autre que tout est arrivé et que cette violence est si injuste ?
Dans une rupture il y a souvent un acteur, qui agit, qui parle, et l’autre, qui découvre, qui entend et qui a la sensation de subir. Parfois, le choc est tellement violent que celui qui reçoit la nouvelle de la rupture, ou de la trahison, parle de traumatisme. Il (ou elle) est en « arrêt sur image », perd tout désir de vivre, de se nourrir, rumine, ne dort plus et s’installe dans la position de la victime.
Il n’est pas question ici de juger, d’évaluer la puissance du traumatisme. Nous laissons ce travail au psychiatre ou au psychologue. En revanche, nous avons observé qu’il est très difficile de reprendre un peu de pouvoir sur sa vie, sur les conséquences d’une séparation, si l’on reste « coincé » dans cette position de victime. Mais comment faire ? Comment sortir de cette impression que c’est par l’autre que tout est arrivé et que cette violence est si injuste ?
Première réaction : la colère
La colère est d’abord notre seule réaction possible pour dire notre vulnérabilité, notre incompréhension, notre peur. Pour hurler l’incohérence entre ce que nous avons subi et ce que nous garantissaient toutes nos valeurs, toutes nos croyances. Pour hurler notre frustration, aussi, devant tant d’impuissance. Au passage, nous la retournons vers nous : « Comment ai-je fait pour me mettre dans cette situation ? », « Comment ai-je fait pour croire à l’amour de cet homme, de cette femme ? Je suis trop bête ! » (version réelle : « je suis trop con ou je suis trop conne » !). Mais la colère ne nous guérit pas. Elle coupe toute possibilité de communiquer et en général, après une colère intense, nous nous effondrons. Car la tristesse n’est jamais loin de la colère. La honte non plus.
Première étape : se coller à la réalité, sans la juger. La regarder.
Il n’est pas question de recommander de prendre de la distance, c’est impossible. Non, la première et unique marche consiste à regarder l’évènement. Seulement. Accepter de le regarder, sans fuir et si possible, sans s’effondrer. Et si on y arrive, le raconter à quelqu’un. Le mettre en mots. Plusieurs fois.
Le raconter, le dire, va nous permettre de toucher notre fragilité, notre vulnérabilité. Et à accepter, non pas l’évènement, qui restera probablement inacceptable, mais à accepter que nous ne contrôlons pas tout, que nous ne décidons pas tout, que nous sommes limités. Et que l’amour nous rend vulnérables. C’est cette vulnérabilité qui fait que l’intensité des circonstances joue peu : quelqu’un qui est « ghosté » après une nuit se sent tout aussi victime qu’une femme trompée après vingt ans de mariage. Dans nos sociétés modernes, il est très difficile d’accepter nos fragilités. Et encore plus difficile d’accepter le risque de l’amour.
Accepter notre vulnérabilité et notre impuissance nous redonne de la puissance
Nous sommes impuissants : nous ne pouvons pas retenir l’autre si il ou elle est partie, loin devant, sous nos yeux. Nous ne pouvons pas éteindre le désir qu’il ou elle a pour quelqu’un d’autre. Nous sommes limités. Et cela nous met en rage. Puis en morceaux, car il est inacceptable de regarder notre limite et tout ce que nous avons perdu.
Brené Brown nous dit que « la vulnérabilité est la source de l’amour, de l’appartenance, de la joie, du courage, de l’empathie, de la responsabilité et de l’authenticité » (*). Toucher notre vulnérabilité nous transforme. Dans une telle crise, nous nous découvrons. Nous enlevons nos déguisements. Nous revenons au cœur du réacteur, à ce qui nous rend réellement vivant. Accepter notre vulnérabilité nous rapproche de nous-mêmes.
Les victimes du Bataclan qui ont pu s’exprimer lors des procès de 2022 ont toutes insisté sur le fait qu’elles ne voulaient pas que leur vie se résume à leur statut de « victime ». Le procès leur a permis de raconter, de dire. Elles ont aussi révélé que le fait de participer au procès leur redonnait une part de responsabilité. Et je crois que cette idée de responsabilité est clé. Les victimes du Bataclan ont bien compris qu’être une victime c’est être enfermé, dans la douleur d’être victime.
Se déplacer, se re-placer dans l’histoire qui s’est jouée pour se remettre en mouvement
Dans une médiation familiale, lorsqu’un couple arrive à se parler, à se rencontrer alors que l’un des deux est coincé dans le sentiment d’être une victime, la seule chose qui permet de faire bouger les choses est d’arriver à reprendre une toute petite part dans l’histoire qui s’est jouée. Il n’est pas question d’ajouter de la culpabilité au chagrin et aux douleurs. Il est question de se demander : « Est-ce que j’aurais pu faire autrement ? Qu’est-ce que j’aurais pu faire autrement ? ». Parfois la réponse est : « rien ». Et même dans ce cas, c’est un allègement. Cela permet de redistribuer sa part de responsabilité, à chacun. Et en conséquence, de dessiner une version plus « juste » de l’évènement. Plus proche de sa réalité alors que dans le choc, on ne voit qu’une petite partie de l’histoire.
Et si l’on trouve une réponse à ces deux questions, on reprend du pouvoir, de la puissance. On peut regarder l’évènement en reprenant une (toute) petite part. Et cette petite part, cette micro-responsabilité, signifie que nous avons été co-créateurs de l’évènement. Même un tout petit peu co-créateurs. Et cette minuscule action, cette minuscule reconnaissance de responsabilité, nous remet en mouvement. François Roustang disait « il suffit d’un geste ».
« Il suffit d’un geste », oui, pour nous aider à sortir du rôle de victime et à reprendre du pouvoir. Avec une force et une conscience que personne ne pourra nous enlever : celle de savoir que nous avons la capacité de prendre le risque. Que le risque est dans tout engagement, mais que nous sommes désormais prêts à l’accepter. Un changement opéré grâce à une crise qui remet en cause notre existence tout en nous évitant probablement de répéter un schéma qui ne nous convient plus.
Seul le temps nous permettra de mesurer le chemin parcouru. Et d’entendre la philosophe Martha Nussbaum qui nous dit: “Une créature sans besoins n’aurait aucune raison d’avoir peur, d’avoir de la peine, de l’espoir ou de la colère” (in Lettre et conseils à la jeunesse).
(*) Conférence TED, 2010, en anglais, 60 millions de vues= https://www.ted.com/talks/brene_brown_the_power_of_vulnerability?utm_campaign=tedspread&utm_medium=referral&utm_source=tedcomshare )
Qu’est-ce qu’une médiation familiale enjointe? Une médiation ordonnée?
Une médiation enjointe c’est une médiation conseillée par le juge. Peut-être que le juge aux affaires familiales a été “effrayé” par l’intensité de votre conflit. Au sujet de vos enfants, par exemple. Un juge est là pour appliquer la loi. Par pour vous faire plaisir. La médiation familiale est une démarche libre et volontaire qui vise à résoudre les conflits.
La médiation familiale est une démarche libre et volontaire qui vise à résoudre les conflits. C’est une méthode qui a d’abord été introduite au Canada, et qui a permis a des milliers de couples de se mettre d’accord ensemble, sans avoir besoin d’un juge et d’un Tribunal. C’est un processus. Parfois rapide. Parfois plus long. Dans tous les cas, beaucoup plus rapide que de passer par une procédure judiciaires, les Tribunaux étant malheureusement partout débordés. Si c’est une démarche volontaire, pourquoi parle t’on de médiation enjointe ou de médiation ordonnée?
La médiation familiale, c’est quoi?
En séance de médiation, on est focalisé sur la recherche de solutions très concrètes : le médiateur est un tiers neutre qui n’a aucun parti pris, ni pour l’un, ni pour l’autre (il ne “défend” aucune des parties, contrairement à un avocat, qui défend l’intérêt de son « client »). Le médiateur n’est pas là pour juger si une demande est plus légitime qu’une autre : le médiateur vous aide à trouver la meilleure solution pour VOUS et pour votre famille. La Médiation Familiale croit en votre compétence pour trouver la meilleure solution qui conviendra à votre vie future et à celle de vos enfants. Les discussions sont confidentielles.
Mais peut-être que vous ne connaissiez pas la Médiation Familiale et que vous venez de la découvrir parce que c’est précisément un juge qui vous en parlé.
Médiation Enjointe
Peut-être que le juge aux affaires familiales a été “effrayé” par l’intensité de votre conflit. Au sujet de vos enfants, par exemple. Un juge est là pour appliquer la loi. Par pour vous faire plaisir. Si un juge pense que ses décisions ne résoudront pas vos différences, que vos enfants seront quoiqu’il arrive victimes de vos disputes incessantes (par exemple), il peut vous “enjoindre” de “faire une médiation”. Une médiation enjointe c’est une médiation conseillée par le juge. Dans votre intérêt et souvent, dans l’intérêt de vos enfants. Et peut-être aussi pour vous éviter de revenir trop souvent dans son bureau à solliciter son “jugement” alors que vous pourriez vous mettre d’accord. Avec un tiers, le juge pense que ce sera peut-être plus facile.
Médiation Ordonnée
Il arrive également qu’une situation soit “inextricable” et que même le juge ne puisse pas prendre une décision “équitable”. Autrement dit, votre niveau de conflit est tel qu’il y aura un “perdant” et un “gagnant”, voire, il n’y aura que des perdants. Car la loi ne prévoit pas tout. Et encore une fois, le juge travaille avec la loi. Sa fonction est d’appliquer les règles que la Société a décidé pour les familles. Comment le législateur pourrait avoir pensé à tout? À toutes les situations?
Dans ce cas, le juge va vous demander si vous seriez d’accord pour “faire une médiation” (une médiation reste une démarche volontaire, quoiqu’il arrive) et si vous êtes d’accord, il va ordonner une médiation familiale. Une “médiation ordonnée” est demandée, “exigée” par le juge. Dans la réalité, le juge ne vous ordonne pas de faire tout le processus de médiation, car personne ne peut savoir à l’avance comment vous allez progresser dans l’acceptation et la compréhension de votre conflit, mais vous serez obligés de rencontrer un médiateur et obligés d’être informés sur la médiation familiale. Le juge vous remet “entre les mains” d’un médiateur familial. La suite vous appartient. Une médiation ordonnée suspend le processus judiciaire pendant une durée de trois mois (renouvelable). Cela signifie que le juge (et le Tribunal) attendent trois mois pour fixer la prochaine étape du processus judiciaire relatif à votre séparation.
La dernière réforme du divorce favorise les couples qui se sont mis d’accord avant de déposer leur requête de divorce (ou de séparation) auprès du Tribunal
En résumé, la dernière réforme du divorce postule que les couples qui auront tenté de se mettre d’accord entre eux sur les modalités de leur séparation passeront avant ceux qui traversent un gros conflit. “Il est désormais nécessaire de justifier d'une tentative de résolution à l'amiable de votre conflit avant de saisir le juge. A défaut de justificatif, le magistrat pourrait ordonner cette mesure à l’audience, ce qui retarderait d’autant plus sa prise de décision. (Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015, paru au JO du 14 mars 2015)”. C’est nouveau. On imagine toutes les raisons qui ont conduit à cette formulation. Cela signifie concrètement que l’automatisme qui consiste à se chercher un avocat dès que l’on pense séparation ou divorce devrait progressivement être remplacé par un nouvel élan: se cherche un médiateur ou un médiatrice familiale.
Cette réforme s’inscrit dans un mouvement de fonds: favoriser les accords “à l’amiable” avant de saisir la justice. Tous les conflits ont leur légitimité. Chacun a de bonnes raisons de ne pas être d’accord avec l’autre. Mais avant de mettre en mouvement la Justice, il serait bon de se mettre autour d’une table et de faire appel à un médiateur. La vie serait beaucoup plus douce. Car un conflit consomme énormément d’énergie. Moins il dure, moins votre santé morale et physique sera affectée, voire abîmée. Et si vous avez des enfants, vous allègerez leur vie et préparerez des adultes conscients et responsables. Car vous le savez, nous tous sommes des exemples pour nos enfants. Et la médiation, cela se pratique aussi dans les cours de récréation. Au Canada.