Isabelle Jordan

View Original

Couple: pour démarrer une bonne dispute, dites que « ce n’est pas de votre faute ». C’est infaillible.

« Ce n’est pas de ma faute »

« Je ne comprends pas comment on en est arrivé là, je n’ai rien fait de mal (variation : j’ai tout fait pour que cela fonctionne, tout) ».

Vous êtes indigné(e ), voir, dans une colère noire. Mais « ce n’est pas de votre faute ». Le coupable c’est « l’autre ». Car cela ne peut pas être « la faute de personne ». Le problème est que cette posture, tellement naturelle et tellement courante, peut faire de gros dégâts dans nos relations et notre couple. Pourquoi ? Qu’est-ce qui se joue ? Peut-on arrêter le processus quand une grosse dispute se profile ?

Vous avez besoin de vous défendre: attention à l’escalade

Cela commence par l’impression désagréable d’être attaqué-e. Vous entendez une phrase et vous trouvez cela injuste. Vous vous sentez incompris-e. Vous avez donc besoin de vous défendre. Vous commencez à vous justifier. Vous voulez démontrer que vous avez raison et que l’autre a tort (de vous dire cela, de le penser, de le souligner). Mais plus vous vous justifiez, plus vous alimentez le conflit et plus la dispute a de chance  de s’envenimer. Chacun empile ses arguments, les uns après les autres, pour démontrer qu’il a raison. 

 

Si rien n’arrête cette escalade, cela peut être très violent. Nous savons tous qu’une grosse dispute peut laisser des traces. Qu’il est difficile d’oublier certaines phrases, certaines injures mêmes. Et qu’après ce genre d’ épisode, nous sommes vidés de notre énergie et dans une grande tristesse. Alors à quoi bon ? 

Voici le mode d’emploi et quelques étapes pour calmer le débat

Pour éviter de vous laisser entraîner dans ce mouvement, il y a quelques portes de sorties. D’abord pour réguler nos émotions. Puis pour arriver à entendre l’autre et à se faire entendre. Voici quelques étapes du mode d’emploi :

 

- D’abord se calmer. Se calmer vraiment. Une émotion dure dix minutes. Alors si vous vous sentez attaqué-e, avant de réagir, en exprimant votre colère ou des sanglots, écartez-vous, quittez la pièce, sortez et allez respirer. De longues respirations. Ou faites des mouvements. Ou marchez. C’est tout bête, oui. Et nous le faisons presque par réflexe quand nous poussons de longs soupirs d’exaspération. Ces soupirs vont réveiller le système parasympathique. Et baisser notre niveau de « réponse » : notre rythme cardiaque diminue, notre respiration se calme et devient de plus en plus longue, les rougeurs de notre peau diminuent. Encore mieux, si vous vous sentez mieux, après ces dix minutes, vous pouvez revenir respirer dans les bras de votre partenaire. Vous respirerez ensemble et pourrez reprendre la discussion.

 

Lâcher l’idée et la nécessité d’avoir raison. Ce réflexe est un poison pour le couple. Si vous renoncez à convaincre l’autre, à argumenter, ce genre de discussion s’arrêtera tout de suite.

 

Rusez : si vous vous rendez compte que vous êtes en train de « monter dans les tours », que rien ne va vous arrêter et que vous allez vous faire très très mal, mettez-vous d’accord avant, quand c’est calme, et décidez ensemble d’un code, d’un mot ou d’une phrase « magique », qui sera un signal d’alerte et un bouton de secours. Si l’un de vous prononce le mot (ou la phrase), vous savez que c’est « Arrêt sur image ». Que vous devez tout de suite vous arrêter et mettre fin à la discussion. C’est une méthode qui vous rappellera votre enfance, car les enfants font cela très fréquemment, mais elle a le mérite d’être simple et efficace. Avec un peu d’humour, cela vous aidera beaucoup.

 

Reconnaissez votre part de responsabilité. Même si elle est minuscule : « Oui je ne t’ai pas soutenu-e dans cette discussion avec ma mère, quand nous avons dîné chez mes parents », « oui, je ne t’ai pas remercié-e », …Pas de « MAIS ». Si vous introduisez un « mais », vous vous réengagez dans la justification, et donc dans le conflit et la dispute.

Car quand vous reconnaissez un part de responsabilité, vous entrouvrez la capacité de l’autre à vous écouter, et même, à vous entendre. Et vous pourrez lui montrer une piste d’explication (et non de justification). Mieux encore, reconnaître votre part va vous donner un tout petit peu de distance et peut-être vous permettre de sortir d’une éventuelle erreur d’interprétation. Car l’objectif de l’autre était-il bien de vous attaquer ? D’appuyer là où vous vous sentez si mal ? L’autre est-il vraiment responsable de votre réaction ?

 

- Parfois notre voix, notre intonation, sont perçues comme « accusatrices » alors que ce n’était pas notre intention. Quand nous sommes fatigués, irritables, attention à notre façon de communiquer. Encore une fois, le bon moyen d’éviter d’élever la voix ou de prononcer des phrases malheureuses, c’est de ralentir. De faire des pauses. Un silence de quelques secondes ne posera pas de problèmes, en tous cas moins qu’une injonction interprétée comme un reproche ou une accusation.

 

- Et si vos paroles dépassent vos pensées, réparez ! Revenez vers l’autre pour « amender », corriger ce que vous avez dit. Manifestez des regrets sincères, si vous avez des regrets : « je regrette déjà ce que j’ai dit », « ce n’est pas ce que je voulais dire », « je te demande pardon »….

 

Car personne d’autre que nous n’est responsable de notre comportement. Si nous percevons une simple phrase comme une attaque, c’est que cette phrase nous touche, qu’elle vient heurter une « blessure » qui nous appartient. La même phrase n’aura peut-être aucun effet sur quelqu’un d’autre. C’est donc bien à nous de commencer par nous guérir, par aller regarder nos zones sensibles. Moins nous en aurons, plus nous serons en capacité d’entendre les mots des autres, juste pour ce qu’ils sont. Il ne sera plus question, alors, d’avoir raison et d’écraser l’autre à tous prix pour sauver notre orgueil. C’est cela que l’on appelle la Communication non violente, qui ouvre la fin du conflit et permet de retrouver de la confiance, de la bienveillance. Et qui nous permet de réduire la distance avec l’autre pour retrouver son intimité et prendre soin de notre couple . Personne ne dit que c’est facile !